Après une semaine de rencontres et d’agapes à Istanbul – où nous avons suivi un régime reconstituant à base de baklava et autres spécialités turques grâce à la générosité de nos hôtes, Diarmuid et Berna – Mel et moi enfourchons dès demain nos vélos pour vivre notre rêve sur la Route de la Soie que nous commencerons par un entraînement le long des rives de la Mer noire à travers la Turquie et la Géorgie. Nous mettrons à jour ce blog aussi souvent que nous le permettront les accès à Internet. Pour commencer, je veux vous donner un aperçu de l’expédition: pourquoi la Route de la Soie? Pourquoi à vélo? Pourquoi la protection environnementale par-delà les frontières?
Pendant des milliers d’années, la Route de la Soie a drainé, et draine aujourd’hui encore, un flux dynamique de gens, de produits et d’idées d’Est en Ouest et inversement. La “Route de la Soie” n’est pas une mais plusieurs routes qui relient l’Europe à l’Asie qui toutes ensemble forment un axe commercial serpentant à travers les déserts, les palais, les révolutions, les montagnes, les ruines et la légende. Cependant, la Route de la Soie qui m’enchante le plus se trouve à sa périphérie même: les espaces entre les villes légendaires, où la route se transforme en pistes qui mènent vers les confins, les montagnes inhospitalières, les écosystèmes des déserts alpins qui ne tiennent aucun compte de l’arbitraire des frontières qui les délimitent sur les cartes, le territoire des nomades, les léopards des neiges, les tempêtes de poussière et les rêves.
Dans ce monde toujours plus fragmenté, segmenté et dompté, la Route de la Soie est une véritable étude de cas pour souligner l’importance de la préservation de la vie sauvage et le lien qui existe entre les zones de partage. Certains des écosystèmes les plus précieux de la planète se trouvent dans les déserts et montagnes de la Route de la Soie ; nombre d’entre eux chevauchent les frontières. Aujourd’hui, les plus grands défis auxquels est confrontée la planète dépassent les frontières politiques : qu’il s’agisse du climat, de la pauvreté, de la paix et de la sécurité, des problèmes liés à l’eau, de l’habitat ou encore de la disparition de la biodiversité. Tous ces problèmes sont intimement liés et pour parvenir à les résoudre avec succès et durablement, nous devons absolument faire abstraction des frontières.
Fortes de notre formation en sciences naturelles et sociales et poussées par notre passion pour les espaces sauvages, Mel et moi avons lancé ce projet de recherche d’un an afin d’étudier les questions liées à la conservation transfrontalière sur la Route de la Soie, de la Turquie au Cachemire. Cyclistes expérimentées, nous avons parcouru les USA d’une côte à l’autre ainsi que le Xinjiang et le Tibet en Chine de l’Ouest. Une fois de plus, nous avons choisi le deux-roues pour explorer les déserts et montagnes isolés qui seraient autrement très difficiles d’accès et ainsi témoigner de la continuité des paysages sur la Route de la Soie, en dépit des frontières qui la découpe en apparence.
En chemin, nous prendrons le temps d’explorer des paysages isolés, divers et accidentés qui sont déjà des zones transfrontalières protégées ou qui pourraient le devenir. A chaque fois, nous intervieweront des gens impliqués dans la conservation de l’environnement – locaux, défenseurs de l’environnement, représentants du gouvernement – afin de comprendre comment les frontières ont un impact sur leur monde. Via ce site Web, mais aussi des vidéos, des photos ainsi que des projets d’écriture après l’expédition, nous avons pour objectif de mettre l’accent sur les contours des régions frontalières sauvages et souvent complexes de la Route de la Soie et ainsi encourager les gens à penser “au-delà des frontières”.
A ce stade, nous avons les diplômes nécessaires, nous avons étudié les cartes disponibles et pris des contacts avec des gens impliqués dans la conservation de la vie sauvage tout au long de la route. Nous avons mis de l’argent de côté (mais votre aide nous est toujours précieuse!), fait l’acquisition de vélos robustes grâce à la générosité de Seven Cycles, et débarrassé notre vie du superflu, depuis les clés de la maison pour ne plus disposer aujourd’hui que d’un minimum de vêtements de rechange. Et demain, nous embarquerons sur un ferry qui nous mènera hors d’Istanbul et nous commencerons à pédaler dans le monde des confins perdus.
Ainsi commence notre nouvelle vie. Nous voilà devenues élèves de l’austérité et de l’exultation, nouveaux pèlerins du roc, de la glace et de l’immensité du ciel. Devant nous s’ouvre une année d’errance sur les chemins éloignés de la Route de la Soie, où qu’elle puisse nous mener: notre périple nous mènera d’hiver en été à nouveau vers l’hiver par des villes opulentes et des villages déclinants, à travers les déserts et par-delà les montagnes, le long de pistes bordées par les dunes et les glaciers, au-delà de frontières réelles comme des barrières mais fausses comme peuvent l’être toutes les certitudes humaines. Après avoir vécu et appris la Route de la Soie et ses saisons, lentement et intensément pendant cette année passée sur nos vélos, nous avons l’intention de faire un documentaire –j’envisage également d’écrire un livre – sur les contrées sauvages de la Route de la Soie de façon à les rendre vivantes dans les cœurs et les esprits. Nous pensons en effet qu’il s’agit là de l’objectif le plus important de la conservation de la vie sauvage: faire en sorte que les gens tombent amoureux de ces espaces sauvage et faire des déserts et montagnes autre chose qu’un simple décor.
Un grand merci à tous ceux qui ont rendu ce voyage possible. Nous espérons que vous apprécierez notre parcours au travers de ce blog et de Facebook.